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Manola
Robles Delgado
lors d’un entretien à la télévision chilienne. |
Liée pendant presque
50 ans à la radiodiffusion chilienne et très aimée dans son pays, la grande
journaliste Manola Robles Delgado est morte à Santiago d’un cancer au
poumon, dimanche 3 janvier dernier, à 72 ans.
Fille d'un réfugié
andalou arrivé en 1939 sur le bateau Winnipeg et
d'une mère chilienne, Manola a été toute sa vie orientée par des solides valeurs
humanistes. Animée d’une grande rigueur professionnelle, et d’une ferme
exigence éthique dans l’exercice quotidien du journalisme, elle a été toujours
reconnue par ses pairs comme une praticienne brillante, et guide irremplaçable
pour les jeunes générations de journalistes. Sous la longue dictature chilienne
elle s'est aussi distinguée par son engagement et sa contribution à la défense
des droits de l'homme.
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Manola Robles avec sa machine à
écrire
pendant un voyage.
Photo Archive familial.
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Suite au putsch de
Pinochet en septembre 1973, Manola avait participé très vite du réseau des
correspondants clandestins, des journalistes, militants de gauche, qui
collectaient très discrètement des informations et élaboraient des rapports périodiques.
Rédigés en pas plus de 2 feuillets, ces rapports anonymes —transmis
lors de brefs rendez-vous et sous des strictes mesures de sécurité—,
constituaient ensuite les premières publications clandestines d’opposition qui
ont circulé en dictature.
Elles dénonçaient
les atrocités et la persécution sauvage lancée contre les opposants, et appelaient
à une très large unité contre l’abjecte junte fasciste. Reprises à l’extérieur du
Chili, puis rediffusées sur les ondes vers l’intérieur, elles ont fourni des
informations objectives à la population, et ont contribué à briser le blackout
imposé par la censure militaire.
Manola
s’est formé
comme journaliste à l'Université du Chili, et sa spécialité première a
été l’économie, bien qu’elle soit restée dans l’esprit des auditeurs
comme la
chroniqueuse des manifestations contre Pinochet. Elle est arrivée aux
informations de radio Cooperativa en 1979, et par sa présence constante sur le
terrain, ses notes et dépêches incisives et directes, est devenue l'une des
voix emblématiques de la radio au Chili. L’impact de la radio était alors très
considérable, un média de première importance pour porter le rejet populaire à la dictature militaire dès le milieu des
années 80.
Elle a intégré des
équipes de presse de plusieurs stations de radio, a collaboré avec divers
magazines en Amérique latine et a été également correspondante pour l'agence de presse EFE. En décembre 2000, Manola a quitté les infos de
radio Cooperativa pour devenir attachée de presse aux ambassades chiliennes à
Buenos Aires, puis à Madrid. Elle s’est vue attribuer pendant sa carrière
diverses distinctions de journalisme, comme le Prix de journalisme
latino-américain en 1988, ainsi que le Prix international
de journalisme José
Martí.
De retour au Chili,
elle a rejoint l'équipe des médias numériques de Cooperativa en 2011 et elle y a
travaillé depuis comme rédactrice sans relâche, jusqu'au 24 décembre dernier, quand
elle a annoncé son départ à l’antenne. Suite à l'aggravation de sa maladie,
gardée longtemps dans une stricte réserve, «Mano»
s’est éteinte dimanche 3 janvier dernier.
De nombreuses et sincères expressions de regret s’expriment au Chili et
ailleurs pour la disparition de Manola Robles Delgado, désormais une empreinte
indélébile sur le journalisme chilien et sans doute sur la culture de gauche. Elle
perdure aussi dans l’histoire commune de milliers d’anonymes, avec la
reconnaissance à son courage et son inébranlable engagement.