Ana González de Recabarren, un des symboles du combat pour
la vérité sur les « disparus » au Chili, s’est éteinte vendredi 26 octobre à 93 ans à l’hôpital Saint-Joseph, à Santiago. Dirigeante
historique de l’Association des familles des détenus disparus (Afdd), Ana
González de Recabarren en était aussi l'une des fondatrices, avec Sola
Sierra, Viviana Díaz, Mireya García et Clotario Blest.
Avec les visages de leurs proches épinglés à la
poitrine, les familles des victimes de la dictature
exigent depuis 40 ans des réponses sur le sort
des disparus.
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Les 22 et 23 avril 1976 ont été arrêtés son mari, Manuel
Recabarren, ses enfants Luis Emilio et Manuel Guillermo, et sa belle fille
Nalvia Mena, qui se trouvait alors enceinte. Les 4 ont été conduits dans le
centre de tortures de Villa Grimaldi et sont depuis disparus. Comme des
milliers de chiliens, Ana González de Recabarren a perdu en moins de 24 heures une
bonne partie de sa famille dans les griffes de la DINA, la police politique de la
dictature, qui avait lancé au milieu des années 70 une vaste campagne
d’extermination des militants de gauche et spécialement des
communistes.
Ana González a transformé cette perte atroce et son deuil confisqué
en plaidoyer inlassable, une exigence permanente de réponses pour les près de 3000
personnes tuées ou disparues au Chili sous la dictature de Pinochet. Peut-être
l'un des visages les plus connus de l’Afdd, Ana González de Recabarren a symbolisé pendant presque 4 décennies le combat digne et risqué des familles des
disparus, à la recherche d’une vérité qui leur a été cruellement niée et d’une
justice qui a trop tardé.
Toujours en première ligne dans le long et douloureux combat
contre le mensonge officiel, Ana González a participé aux grèves de la faim,
des sit-in de rue et diverses actions de protestation durant la dictature. Elle a harcelé des juges
pour les pousser à enquêter sur le sort des détenus disparus, et elle a aussi
fait plusieurs voyages dans différents pays du monde pour introduire
des requêtes et témoigner auprès des organismes internationaux, cherchant à
faire pression sur la dictature afin qu’elle dise la vérité sur ses prisonniers
occultés du Chili.
Ana González de Recabarren |
Avec d'autres proches des détenus disparus, lors des
manifestations innombrables violemment dissoutes par la police de Pinochet
elle a aussi été détenue et brutalisée, mais elle n'a jamais été intimidée et avec
un courage étonnant, une fois relâchée elle a continué à organiser des
protestations, des grèves de la faim dans les églises ou des ambassades, devant
le siège de la Croix-Rouge et les Nations unies. Il y a quelque temps, déjà très affaiblie para la maladie, elle était arrivée en chaise roulante
au tribunal pour soutenir les familles des « égorgés » dans leur quête permanente
de justice.
Sans le combat courageux et opiniâtre d’Ana González de
Recabarren, devenu emblématique, probablement plus de personnes seraient disparues
au Chili, et l'intérêt du pays pour cette réalité horrible serait actuellement très
réduit. Les victimes de la barbarie, leurs familles, camarades et proches, témoignent
aujourd’hui de l’immense gratitude de tout un peuple avec Ana González de
Recabarren. Son combat juste et indispensable, son courage inaltérable et sa
dignité sans faille, font d’elle un exemple rare et simple des valeurs
humanistes qui ont été les siens.