Santiago Sinclair Oyaneder, alors général et membre de la junte militaire au pouvoir au Chili, en grande tenue lors d’un office religieux en 1988 à la cathédrale de Santiago. Photo Marcelo Montecino. |
Santiago Sinclair, de 87 ans, ancien membre de la junte militaire qui a gouverné le Chili sous la dictature de Pinochet, et
trois autres ex officiers —Juan Carlos Michelsen,
José Feliú Madinagoitía et Mario Manterola Garrido—, ont
été arrêtés jeudi 5 février dernier et placés dans une caserne de police
militaire à Santiago, pour leur participation aux meurtres de douze personnes
en octobre 1973, dans le cadre du dossier « Caravane de la mort ».
Proche
collaborateur de Pinochet, l’ex-général Santiago Sinclair a occupé des postes d’importance durant le régime
du dictateur : ministre, ambassadeur et puis vice-commandant de l'armée. Il
a intégré en 1988 la junte militaire jusqu'à la fin de la dictature en 1990, et au retour de la démocratie il a été sénateur désigné jusqu'à 1998.
L’enquête a établi la participation de Sinclair dans
les meurtres alors qu’il était chef du Régiment des chasseurs
de la ville de Valdivia, à environ 840 kms au sud de Santiago. Colonel et
commandant de la caserne et deuxième
autorité militaire de la zone à l'époque des faits, Sinclair a intégré un faux « conseil de guerre »
qui a déclaré coupables 12 paysans d’une attaque supposée à un poste de police
local, et les a condamnés à l’exécution immédiate.
Les victimes étaient des ouvriers forestiers de la zone, des militants du Mouvement de
gauche révolutionnaire (MIR), et les accusations portées par le « tribunal
militaire » se sont avérées entièrement fausses. Des officiers en poste dans
la localité ont indiqué à l’équipe d’exécuteurs quelles personnes sur l’ensemble
des prisonniers devaient être extraites de prison et éliminées. Sinclair et les
anciens officiers détenus sont accusés aussi d’avoir livrés les prisonniers à la « Caravane de la mort », sous les ordres du général Sergio
Arellano Stark. Cette longue procédure judiciaire porte sur le
volet « Valdivia » de la « Caravane de la mort ».
« Caravane de la mort » c’est le nom d’une vaste opération militaire, effectuée par des soldats en tenue partis de Santiago quelques jours après le coup d’État du 11 septembre 1973. C’était une unité spéciale héliportée, composée d’officiers triés sur le volet, avec la mission de parcourir le Chili pour exécuter des adversaires supposés du régime, détenus dans plusieurs villes depuis le putsch. Lors de son passage éclair par 16 villes du pays, sur ordre expresse de Pinochet et sous commandement du général Arellano Stark, cette unité mobile a froidement massacré en moins d’un mois près d’une centaine de personnes.
Le dossier de la « Caravane de la mort » est l'un des plus emblématiques des nombreux procès qui ont résulté des violations massives des droits de l'homme pendant la dictature de Pinochet, et malgré la responsabilité bien établie de l'ex-général Sergio Arellano Stark dans ces crimes, il avait bénéficié d’un non-lieu en juillet 2002, prononcé à cause d’une opportune démence sénile qui l’empêchait de se défendre.
Comme dans d’autres dossiers relevant des crimes politiques
commis par des militaires sous la dictature, après 48 heures de détention
dans une unité spéciale de l’armée, l’ex-général Santiago Sinclair et les 3
autres anciens officiers supérieurs ont été libérés le 7 février dernier, contre versement d’une caution de 200.00 pesos chiliens,
un peu plus de 280 euros.