jeudi 10 mars 2016

Sergio Arellano Stark, le général de la « Caravane de la Mort » meurt dans son lit

Sergio Arellano Stark, le général responsable de la « Caravane de la Mort », la première mission héliportée d’extermination ordonnée par Pinochet. Symbole de la féroce répression politique, Arellano Stark a toujours lâchement nié la centaine d’assassinats qu’il a commis en sillonnant le pays en octobre 1973. Comme le dictateur et d’autres officiers responsables, il meurt dans une totale impunité. Photo La Nación.

Sergio Arellano Stark, ex général de l'armée de terre et chef de la « Caravane de la Mort », est mort à 94 ans à son domicile mercredi 9 mars, après avoir quitté la maison de retraite où il était interné.

En septembre 1973 —au lendemain du sanglant coup d’état qui porta au pouvoir les militaires pendant 17 ans au Chili—, le général Arellano Stark avait été chargé par Pinochet de la première brigade mobile d’extermination qui a connu le pays sous la dictature.

Surnommée la « Caravane de la Mort », l’unité composée d’une douzaine d’officiers et sous officiers de l’armée de terre a parcouru le pays du Sud au Nord, visitant les prisons se trouvaient des prisonniers politiques. Ils en ont extrait à chaque endroit un certain nombre et les ont froidement exécutés. Se déplaçant très vite à bord d'un hélicoptère « Puma SA 330 » de l’armée, l’équipée d’Arellano Stark a parcouru ainsi plusieurs villes et a assassinée en moins d’un mois près d'une centaine de prisonniers politiques.


Plusieurs des tués —arrêtés pour appartenir aux partis de gauche ou aux administrations locales proches du gouvernement déchu—, étaient condamnés par des « conseils de guerre » à des peines légères. Ils ont été sortis des casernes et des prisons, conduits de force dans des sites isolés et sauvagement assassinés, poignardés, parfois déchiquetés vivants, puis fusillés. Pour donner un semblant de légalité aux massacres Arellano Starck et ses adjoints ont rédigé des fausses peines de mort, dictées par des cours martiales inexistantes. Ils ont aussi tenté de justifier les assassinats par des « tentatives d’évasion » des prisonniers.

Sergio Arellano Stark et Augusto Pinochet, jeunes capitaines de l'armée en 1952, avec leurs épouses lors d’un banquet à l’école militaire. Très proches et issus du même moule, les deux officiers ont suivi un parcours similaire, jusqu’à la haute trahison et aux crimes contre l’humanité.
 








Quelques cadavres ont été enterrés secrètement dans des cimetières locaux, mais la plupart des victimes ont été enfouies clandestinement au milieu du désert ou dans des sites inaccessibles. Pour effacer les traces des massacres, l'armée a dynamité par la suite plusieurs charniers occultes. Des longues années de douloureuses recherches auront été nécessaires aux familles pour mettre à jour les fosses cachées en octobre 1973 par la « Caravane de la Mort » tout au long du pays.

Né en 1921 à Santiago, le général Arellano Stark a fait une longue carrière à l'armée. Élève du cours d'État-major à l'école des commandos de Fort Leavenworth, aux États-Unis en 1964 et 1965, il a été chef de la Maison Militaire et aide de camp du président Eduardo Frei Montalva en 1968, puis attaché militaire en Espagne en 1969.
Revenu au pays en 1971, il a été nommé commandant du régiment d'Infanterie « Maipo » à Valparaiso et promu général un an après, chargé du Commandement central des troupes à Peñalolén. À ce poste clé, Arellano Stark a développé ses activités séditieuses et les contacts entre conspirateurs de l’armée.

Issu d’une famille démocrate chrétienne et formé comme tous ses pairs à l’école géopolitique américaine, Arellano Stark se méfiait du gouvernement démocratique socialiste de Salvador Allende, et il a été l'un des principaux instigateurs du coup d'État. À la tête de la Garnison de Santiago il a eu aussi un rôle opérationnel direct pendant l’occupation de la ville et dans les actions militaires de répression des civils désarmés le 11 septembre 1973.

Sergio Arellano Stark et Augusto Pinochet, des généraux d’armée à la fin des années 70. Mouillés pour la plupart dans des atrocités contre des civils désarmés, un lourd pacte de silence lie les haut gradés de l’armée chilienne, responsables de 17 années de répression sauvage.













Sergio Arellano Stark avait été condamné en 2008 pour certains de ses crimes, mais il n'a jamais été en prison, sa peine a été suspendue pour des raisons médicales. Une « démence sénile » lui a été diagnostiquée en décembre 2015, le soustrayant définitivement à la justice.

Lors des rares comparutions qu'il a dû affronter, Arellano Stark a nié toute responsabilité dans les atrocités commises par sa « Caravane de la Mort », et a imputé les crimes aux militaires des unités locales qui auraient désobéi ses ordres. Cet argument ne semble pourtant pas recevable, puisque il était aux commandes d’une mission spéciale du dictateur Pinochet, en qualité de son « délégué » personnel, doté des pleins pouvoirs.

On considère aujourd’hui que la « Caravane de la Mort » avait pour Pinochet un double objectif : terroriser les opposants et impliquer les militaires des échelons régionaux dans ses crimes, pour s'assurer ainsi leur loyauté. Un sinistre signal était aussi donné aux généraux et officiers supérieurs tout au long du Chili, qui ne pourraient plus douter de sa détermination ni sa fermeté, encore moins se montrer magnanimes avec les vaincus.

La mort dans l’impunité du général Sergio Arellano Starck a provoqué une très vive émotion parmi les milliers de victimes de la longue dictature, car la « Caravane de la Mort » reste une blessure béante : c’est un des épisodes emblématiques de la cruelle répression déchaînée sur le pays depuis 1973. Il a marqué très profondément et pour toujours la mémoire collective du pays, et les recherches sur ses nombreux volets judiciaires ne sont pas closes.