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Patricio Sobarzo, avec son fils Simón, en
bas-âge au moment de son assassinat. Enseignant d’Histoire et Géographie et
syndicaliste, le professeur Sobarzo a été l’un des fondateurs du Comité de
défense des Droits du peuple (CODEPU). Photo archive Simón Sobarzo.
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La nuit du 2 juillet 1984, alors qu’il cherchait
de l’aide pour un combattant Rodriguiste blessé, a été assassiné Patricio
Sobarzo Núñez, professeur d'Histoire et Géographie de 31 ans, un des fondateurs
du syndicat des enseignants Chiliens (Agech), secrétaire régional du Codepu et
militant du MIR. Le professeur Patricio Sobarzo a été abattu de sang froid par
plusieurs rafales d’arme automatique, par Reimer Kohlitz Fell, officier de la
CNI —la Centrale Nationale d’Informations, la sinistre police politique de Pinochet—, qui après l'avoir criblé de balles
lui a mis un revolver à la main pour simuler un affrontement.
Patricio Sobarzo était un des responsables du
Comité de défense des Droits du peuple, Codepu, et il avait été alerté pour
secourir un militant du Front Patriotique Manuel Rodríguez grièvement blessé,
soigné d’urgence dans une clinique clandestine et traqué de près par des agents
de la CNI.
Sorti en voiture pour trouver un médecin accompagné
d’Enzo Muñoz Arévalo, ils se sont arrêtés près d’une cabine téléphonique, sur
un axe routier au sud-ouest de Santiago. Patricio Sobarzo est descendu du
véhicule et a traversé la route pour aller téléphoner, lorsque sont arrivés en
nombre et à bord de plusieurs voitures des agents en civil fortement armés. C’était
la Brigade Verte de la CNI, sous les ordres d’Álvaro Corbalán Castilla.
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Comme dans d’autres cas d’exécutions sommaires, la presse chilienne
a
montré les meurtres du professeur Patricio Sobarzo et
ses camarades
comme
un affrontement entre des « terroristes » armés et les sbires.
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D’une première rafale ils ont tué aussitôt le
conducteur de l'automobile, Enzo Muñoz, militant communiste. Par la violence des impacts, son corps a été projeté par la
portière hors de la voiture et il est tombé en travers de la chaussée. Patricio
Sobarzo a été capturé aux abords de la cabine, violemment frappé et obligé de
monter dans un des véhicules de la CNI. Il a été ensuite amené plus au sud vers
un endroit inhabité, où il a été assassiné froidement.
Aux fracas de la fusillade, les militants qui
se trouvaient
à la clinique clandestine ont quitté les lieux et ont
tenté de franchir l’encerclement déployé par les sbires de Pinochet. Deux
autres personnes ont été arrêtées cette nuit aux abords de la maison et conduites
au quartier Borgoño de la CNI, où elles ont été brutalement torturées : Ana Delgado Tapia, ingénieur agronome, militante communiste, et Juan Manuel Varas Silva, mécanicien,
militant du MIR.
On les a extraits au petit matin du siège de
la CNI et amenés vers le sud, et aux alentours de la commune de San Joaquín, les
deux prisonniers ont été froidement assassinés.
Sept autres personnes ont été capturées par
la police politique de Pinochet dans les heures qui ont suivi, accusées de
terrorisme et subversion.
La version officielle de la dictature,
largement relayée par la presse, a parlé alors d’un affrontement entre les forces
de sécurité et des « terroristes, armés et dangereux ». Quoique cette
version n’ait jamais convaincu personne, puisqu’on savait que la police secrète
de Pinochet procédait à l’extermination
pure et simple des opposants politiques, il a fallu attendre 28 ans pour que la
justice rétablisse la vérité.
Le
9 avril 2012, un juge a condamné
5 agents de la CNI pour les
meurtres de Patricio Sobarzo, Enzo Muñoz Arévalo, Ana Delgado Tapia
et Juan Varas Silva, le 2
juillet 1984 à Santiago.
Álvaro
Federico Julio Corbalán Castilla, officier de l’armée responsable de très nombreux
crimes, et qui purge déjà plusieurs autres peines, a été condamné à 15 ans de
prison. Hernán Antonio Vásquez Villegas et Reimer Eduardo Kohlitz Fell ont été
condamnés à 6 ans de prison. Juan Eduardo Rubilar Ottone et Jorge Eduardo
Hernández ont été condamnés à 3 ans et un jour.