lundi 23 février 2015

Affaire d'espionnage : le Pérou rappelle son ambassadeur à Santiago

Mme Ana Jara Velásquez, Première Ministre du gouvernement du président Ollanta Humala, au Pérou. Son gouvernement vient d’appeler en consultation l’Ambassadeur péruvien à Santiago, suite à l’affaire d’espionnage chilien.

Vendredi 20 février dernier, le Pérou a rappelé pour consultation son ambassadeur à Santiago et envoyé un message de protestation aux autorités du Chili, a annoncé le Premier ministre péruvien, Ana Jara Vásquez. Lima accuse son voisin d'actes d'espionnage.

Un communiqué de presse du ministère des Affaires étrangères avait déjà fait état auparavant du rappel pour consultation de l'ambassadeur et avait affirmé que dans une note diplomatique le gouvernement avait exprimé « sa plus vive protestation et son rejet des actes d'espionnage visant la sécurité nationale ».

Accusé d'espionnage par le Pérou, le Chili « va répondre avec sérénité » au message de protestation envoyé par Lima, a assuré dimanche le ministre chilien des Affaires étrangères Heraldo Muñoz, et a indiqué que l'ambassadeur du Chili à Lima, Roberto Ibarra, qui se trouve en vacances à Santiago, y resterait dans l’immédiat « pour aider à la préparation de la lettre de réponse à la lettre péruvienne », sans préciser si le diplomate reprendra ensuite son poste à Lima.

L’ambassadeur du Pérou au Chili, M. Fernando Rojas Samanez, diplomate de carrière, ancien vice-ministre des affaires étrangères et chef du service diplomatique. Parmi d'autres postes, il a été représentant permanent du Pérou à Genève auprès des organisations internationales et ambassadeur en Bolivie et au Costa Rica.

Le rappel pour consultation est une procédure d'urgence diplomatique permettant à un État de manifester son mécontentement à l'égard d'un pays tiers. Dans sa note, la chancellerie péruvienne réclame « une enquête rapide et approfondie pour poursuivre les responsables de ces actes ». Elle demande également que le Chili « garantisse que de tels actes d'espionnage ne se reproduiront pas ».
Le Pérou a reconnu jeudi qu'il enquêtait sur trois membres de sa marine soupçonnés d'espionnage entre 2005 et 2012 pour le compte du Chili, évoquant des faits « honteux ». Le président péruvien Ollanta Humala a parlé d'une situation « grave pour les relations bilatérales ».

Le ministère des Affaires étrangères chilien a nié les faits et répondu jeudi qu'il « n'encourageait ni n'acceptait aucun acte d'espionnage dans d'autres pays ou sur son propre territoire ».

Le Pérou avait perdu un pan de son territoire —la région d'Arica, annexé par le Chili après la Guerre du Pacifique (1879-83). Les relations diplomatiques entre les deux pays connaissent depuis des hauts et des bas. En janvier 2014, la Cour internationale de Justice (CIJ) avait mis fin à une querelle territoriale séculaire entre Lima et Santiago avec l'attribution au Pérou d'une zone maritime sous souveraineté chilienne riche en ressources halieutiques.


lundi 16 février 2015

Santiago Sinclair, ancien membre de la Junte militaire arrêté au Chili pour 12 meurtres sous la dictature


Santiago Sinclair Oyaneder, alors général et membre de la
junte militaire au pouvoir au Chili, en grande tenue lors d’un
office religieux en 1988 à la cathédrale de Santiago.
Photo Marcelo Montecino.
Une juge chilienne a ordonné l'arrestation du général à la retraite Santiago Sinclair Oyaneder et de trois autres ex-officiers pour leur participation dans 12 homicides durant la dictature.

Santiago Sinclair, de 87 ans, ancien membre de la junte militaire qui a gouverné le Chili sous la dictature de Pinochet, et trois autres ex officiers —Juan Carlos Michelsen, José Feliú Madinagoitía et Mario Manterola Garrido—, ont été arrêtés jeudi 5 février dernier et placés dans une caserne de police militaire à Santiago, pour leur participation aux meurtres de douze personnes en octobre 1973, dans le cadre du dossier « Caravane de la mort ».

Proche collaborateur de Pinochet, l’ex-général Santiago Sinclair a occupé des postes d’importance durant le régime du dictateur : ministre, ambassadeur et puis vice-commandant de l'armée. Il a intégré en 1988 la junte militaire jusqu'à la fin de la dictature en 1990, et au retour de la démocratie il a été sénateur désigné jusqu'à 1998.

L’enquête a établi la participation de Sinclair dans les meurtres alors qu’il était chef du Régiment des chasseurs de la ville de Valdivia, à environ 840 kms au sud de Santiago. Colonel et commandant de la caserne et deuxième autorité militaire de la zone à l'époque des faits, Sinclair a intégré un faux « conseil de guerre » qui a déclaré coupables 12 paysans d’une attaque supposée à un poste de police local, et les a condamnés à l’exécution immédiate.


Blason du Régiment de cavalerie blindée Nº 2 « Chasseurs »,
de Valdivia. Basé à la Xème région, au sud du Chili, dépendant
de la IVème Division de l’armée de terre. Une des nombreuses
unités militaires impliquées dans les massacres de la
« Caravane de la mort ».
Les victimes étaient des ouvriers forestiers de la zone, des militants du Mouvement de gauche révolutionnaire (MIR), et les accusations portées par le « tribunal militaire » se sont avérées entièrement fausses. Des officiers en poste dans la localité ont indiqué à l’équipe d’exécuteurs quelles personnes sur l’ensemble des prisonniers devaient être extraites de prison et éliminées. Sinclair et les anciens officiers détenus sont accusés aussi d’avoir livrés les prisonniers à la « Caravane de la mort », sous les ordres du général Sergio Arellano Stark. Cette longue procédure judiciaire porte sur le volet « Valdivia » de la « Caravane de la mort ».


« Caravane de la mort » c’est le nom d’une vaste opération militaire, effectuée par des soldats en tenue partis de Santiago quelques jours après le coup d’État du 11 septembre 1973. C’était une unité spéciale héliportée, composée d’officiers triés sur le volet, avec la mission de parcourir le Chili pour exécuter des adversaires supposés du régime, détenus dans plusieurs villes depuis le putsch. Lors de son passage éclair par 16 villes du pays, sur ordre expresse de Pinochet et sous commandement du général Arellano Stark, cette unité mobile a froidement massacré en moins d’un mois près d’une centaine de personnes.


Fin septembre 1973, Pinochet ordonna le départ d’une unité héliportée itinérante sous commandement du général Sergio Arellano Stark. Le passage de cette première brigade d’extermination de la dictature, embarquée dans un hélicoptère « Puma SA 330 » —la « Caravane de la mort »—, a fait près d’une centaine de victimes parmi des militants de gauche et proches du gouvernement déchu dans 16 villes différentes. Infographie Méridion. 

Le dossier de la « Caravane de la mort » est l'un des plus emblématiques des nombreux procès qui ont résulté des violations massives des droits de l'homme pendant la dictature de Pinochet, et malgré la responsabilité bien établie de l'ex-général Sergio Arellano Stark dans ces crimes, il avait bénéficié d’un non-lieu en juillet 2002, prononcé à cause d’une opportune démence sénile qui l’empêchait de se défendre.

Comme dans d’autres dossiers relevant des crimes politiques commis par des militaires sous la dictature, après 48 heures de détention dans une unité spéciale de l’armée, l’ex-général Santiago Sinclair et les 3 autres anciens officiers supérieurs ont été libérés le 7 février dernier, contre versement d’une caution de 200.00 pesos chiliens, un peu plus de 280 euros.