samedi 30 juillet 2016

Luis Alberto Mansilla, un grand journaliste est parti

Luis Alberto Mansilla, journaliste et militant communiste chilien.
Son nom reste associé à la revue « Araucaria », flambeau du
long combat de l’exil chilien contre l’obscurantisme de Pinochet,
qui a fait brûler des livres et des œuvres d’art, et a tué, persécuté
et banni des créateurs et artistes. Photo Editions LOM.

Luis Alberto Mansilla, journaliste et écrivain, ancien chroniqueur du journal communiste « El Siglo » et d’autres organes de la presse écrite chilienne s’est éteint à Santiago le 26 juillet dernier, à 86 ans.
Il a travaillé très jeune comme ouvrier, puis il a intégré assez vite la presse de gauche chilienne. Autodidacte, lecteur infatigable et mélomane passionné, amant des concerts, du ballet et d'opéra, il a consacré sa vie à l’écriture.

Critique et commentateur, sous les pseudonymes de Martin Ruiz, Simón Blanco ou Pastor Aucapán il a laissé une longue œuvre d’articles publiés dans divers journaux du Chili. Comme pour plusieurs personnages des lettres et de la vie publique chilienne durant les années 50 et 60, pour Luis Alberto Mansilla le métier de journaliste était inséparable d'un très fort engagement social, étroitement lié aux luttes syndicales des ouvriers et toujours à la défense des travailleurs contre les puissants.

Admirateur fervent et précoce de Pablo Neruda —le grand poète communiste, homme politique et diplomate, prix Nobel de littérature en 1971—, ses poèmes ont été pour lui l'une de ses références majeures.
En effet, l’œuvre poétique de Neruda, ses chants d'amour et de combat, de liberté et de justice, ont puissamment influé sur la vocation littéraire et l’engagement politique de Luis Alberto Mansilla.

Couverture revue « Araucaria » N° 13. Huile
« Personnages opprimés », de Mario Toral.
Editions Michay, Madrid, 1981.


Il allait devenir aussi un des amis du poète, un de ses biographes puis membre de la « Fondation Neruda ».

Suite au coup d’état militaire du 11 septembre 1973 et la féroce persécution lancée par la dictature contre la gauche et les communistes, Luis Alberto Mansilla a quitté le Chili en 1977 et il a vécu 12 ans en exil, notamment dans l’ancienne Rda.

Des diverses activités qu’il a exercées en exil, une des plus importantes a été celle de directeur du bulletin extérieur de la CUT (la Centrale unitaire des Travailleurs), outil fondamental pour la cohésion et la communication des milliers de travailleurs et syndicalistes, bannis par la dictature de Pinochet et répartis partout dans le monde. 

Il a participé aussi à la gestation et au comité de rédaction de la revue « Araucaria », la plus prestigieuse publication produite à Paris et à Madrid par l’exil chilien, sous la direction de l'écrivain Volodia Teitelboim, ancien sénateur et dirigeant communiste, et dont le secrétaire de rédaction a été le professeur Carlos Orellana.

Couverture revue « Araucaria » N° 24. Fresque
du rempart nord du fleuve Mapocho, photo de
Rudolf Leguin. Editions Michay, Madrid, 1985.


Dans les pages d' « Araucaria », revue culturelle trimestrielle, a publié pendant 12 ans la fine fleur intellectuelle de la diaspora chilienne : des écrivains, des chercheurs, des enseignants, des artistes et des scientifiques chassés par la dictature, avec en plus des éminentes figures de la culture latino-américaine et européenne, unis pour la cause de la récupération de la démocratie au Chili.

Luis Alberto Mansilla est retourné au Chili en 1989. Il a travaillé jusqu'à la fin de sa vie comme commentateur de cinéma à la revue « Punto Final », et il a été membre du conseil éditorial à la maison d'édition « Lom ». Il a écrit aussi quelques livres très remarquables, comme une biographie du plasticien José Venturelli, et une œuvre sur les derniers jours de Pablo Neruda, non traduits en français.

La dépouille de Luis Alberto Mansilla a été mise en terre le 27 juillet dernier, au cimetière général de Santiago. Son œuvre perdure dans ses textes, sa mémoire et son engagement restent parmi ses camarades et proches du camp des progressistes.


jeudi 7 juillet 2016

Juan Emilio Cheyre, ancien chef de l'armée chilienne arrêté pour 15 crimes

Juan Emilio Cheyre, lieutenant au moment de la mission exterminatrice de la « Caravane de la mort », est devenu commandant en chef de l'armée chilienne. Comme la plupart des officiers supérieurs directement responsables d’atrocités, il a fait une carrière au sein de l’armée et il est arrivé même à des postes de responsabilité dans l’administration civile post-dictature sans être inquiété. Photo Hans Scott, Agencia UNO.

Juan Emilio Cheyre, général à la retraite et ancien commandant en chef de l'armée chilienne a été interpellé jeudi 7 juillet pour sa responsabilité dans le meurtre de 15 personnes en octobre 1973, aux premiers jours de la dictature du général Pinochet (1973-90). L’ancien général, qui a commandé l'armée chilienne entre 2002 et 2006 après le rétablissement de la démocratie, était lieutenant à l'époque du coup d'État de 1973, sous les ordres du général Ariosto Lapóstol.

Cheyre est accusé de complicité dans le meurtre de 15 personnes commis le 16 octobre 1973 à La Serena, au nord du pays, dans le cadre de la « Caravane de la mort ». C'est le nom donné à l’unité militaire qui sillonna le Chili en hélicoptère après le coup d'État du général Pinochet, avec l’ordre d'exécuter sommairement près d’une centaine d'opposants.

Six autres anciens officiers sont également inculpés dans le dossier du juge spécial qui enquête sur les crimes et violations aux droits de l’homme commis sous la longue dictature de Pinochet. Juan Emilio Cheyre a été inculpé et mis en prison préventive dans le régiment de Police militaire N°1 de Santiago.

La « Caravane de la mort », la première mission d’extermination ciblée d’opposants ordonnée par Pinochet peu après sa prise du pouvoir, en septembre 1973. Des longues années d’enquête ont été nécessaires pour éclaircir les responsabilités des froides tueries qui ont fait près d’une centaine de victimes dans16 villes du Chili. Infographie Méridion.

L’ancien officier supérieur était jusqu’en 2013 président du Service électoral, poste qu’il avait dû quitter en raison de sa participation dans l’enlèvement d’un enfant suite au meurtre de ses parents en décembre 1973, un autre épisode de la cruelle répression déchaînée sur le Chili par sa propre armée.

Accusé d'avoir infligé personnellement des tortures aux détenus civils, et d’avoir participé aux meurtres collectifs des prisonniers politiques lors des razzias opérées par la « Caravane de la mort », l’ex général et ancien numéro 1 de l’armée avait été confronté pendant l’enquête à plusieurs victimes des tortures. En juin 2016, la chaîne de télévision chilienne TVN avait diffusé des témoignages des rescapés de la vague de répression au nord du pays, signalant que Cheyre a bel et bien participé aux massacres des militants de la gauche chilienne.