jeudi 16 avril 2015

L’assassin de Víctor Jara sera jugé aux USA pour tortures et exécution sommaire

Víctor Jara en 1968 à Stratford-upon-Avon, Angleterre, pour la célébration de
l’anniversaire de Shakespeare. Photo : « An unfinished song », Joan Turner,
Ticknor & Fields, New York, April 1984.
L’ancien officier Pedro Barrientos Núñez sera jugé aux États-Unis pour « tortures et l'exécution sommaire » du célèbre chanteur chilien Víctor Jara, en 1973. Une cour du district d'Orlando, en Floride, a accueilli la plainte déposée par Joan Jara et Amanda Jara —la veuve et la fille du chanteur assassiné—, et a décidé le 14 avril dernier de juger l'ex lieutenant de l’armée chilienne, qui réside aux États-Unis depuis 1989.

« La famille Jara est un pas plus près d'avoir justice », a signalé le CJA, l’ONG qui avait déposé la plainte en 2013 aux cotés de la famille de l’artiste assassiné.
Le Center for Justice and Accountability (CJA), l'une des parties civiles du dossier, a applaudi la décision du tribunal, mais elle regrette aussi qu’il n’ait pas retenu les charges pour « crimes contre l'humanité ». Le tribunal a exclu, en effet, des poursuites pour « crimes contre l'humanité » contre Pedro Barrientos.

Pour Me Almudena Bernabeu, avocate plaignante du CJA, « le meurtre de Víctor Jara et les milliers de crimes commis sous le régime de Pinochet devraient être appelés par leur nom : crimes contre l'humanité ».

Barrientos, officier de l'armée chilienne à la retraite et citoyen américain, avait demandé en mars dernier le rejet de la plainte car elle était pour lui « hors juridiction » : 
Pedro Barrientos Núñez, ancien lieutenant
de l’armée chilienne, un des assassins de
Víctor Jara le 16 septembre 1973.
« Elle est arrivé 40 ans après les faits, 24 ans après qu'il s'installe aux États-Unis et 23 ans après qu'Augusto Pinochet ait quitté son poste », avait indiqué Barrientos dans sa demande à la cour.

Établi à Deltona, résidant légalement au nord de Floride depuis 1989, l’ex militaire est accusé aux États-Unis de « tortures et meurtre » de Víctor Jara durant l’« arrestation massive de milliers d'intellectuels et de leaders politiques ». En 2012, le gouvernement chilien avait sollicité l'extradition de Pedro Barrientos aux États-Unis, et le Programme des Droits de l'homme du ministère de l'Intérieur s'était constitué partie civile du dossier. 

Víctor Jara a été assassiné cinq jours après le coup militaire du 11 septembre 1973, après plusieurs jours de tortures au stade « Chili », à Santiago, site où il était détenu avec des centaines de partisans du gouvernement déchu de Salvador Allende (1970-1973).


lundi 13 avril 2015

Eduardo Galeano, célèbre écrivain uruguayen est parti

Imprégnés d’une profonde sagesse, nourris à la fois des traditions millénaires de l’Amérique indigène et du riche métissage culturel du continent, les textes d’Eduardo Galeano entremêlent l’exactitude historique et l’exigence éthique à une beauté poétique simple et accessible.

Le célèbre écrivain uruguayen Eduardo Galeano est décédé ce lundi 13 avril à 74 ans, à Montevideo. Très aimé d’un vaste public en Amérique latine mais aussi ailleurs dans le monde, Galeano avait été admis à l'hôpital vendredi dernier à cause d'un cancer au poumon.

Avant de devenir un remarquable intellectuel de la gauche latino-américaine au début des années 70, Eduardo Galeano a été ouvrier à l’usine, dessinateur, peintre, messager, dactylographe et employé de banque, entre autres métiers. Il a été journaliste à l’hebdomadaire uruguayen « Marcha », jusqu’à sa fermeture en 1974 par la dictature de Bordaberry, puis est parti en exil à Buenos Aires, où il a été parmi les fondateurs de la revue politique « Crisis ».


Paru en 1971, « Les veines ouvertes de l'Amérique Latine »
a été souvent interdit par les dictatures de l’Amérique du sud.
Texte fondamental pour la science politique contemporaine, il
a été un outil indispensable à l’éveil de la conscience critique
pour des générations de latino-américains. 

La publication en 1971 de « Les veines ouvertes de l'Amérique Latine », un de ses livres les plus connus, l’avait érigé au rang d'auteur classique de la littérature politique latino-américaine.

Traduit très vite dans une vingtaine de langues, cet ouvrage est considérée une pièce fondatrice de la science politique contemporaine, qui décrit par des chroniques inspirées l’inégalité des rapports nord-sud, et la géopolitique de la domination héritée aux Amériques des colonies.

Plus récemment, sa trilogie « Mémoire du Feu » (1982-1986), dense recueil d’articles qui dépassent les genres courants et combinent le journalisme, l'analyse politique et l'histoire, ont été aussi traduites dans plusieurs langues. Au total, son œuvre réunit plus d’une quarantaine de livres.

L'auteur lui-même avait proclamé sa permanente obsession d’écrivain : « Je suis un auteur hanté par la mémoire, le souvenir du passé de l'Amérique et surtout celui d'Amérique Latine, terre intime condamnée à l'amnésie. »

Le président de la Bolivie, M. Evo Morales et l’écrivain
uruguayen Eduardo Galeano, récemment disparu.
Promoteur du regard critique sur l’Histoire et d'un développement autonome du continent latino-américain, l'intellectuel avait toujours été aux côtés des minorités persécutées et proche des dirigeants qui résistent aux injonctions du néolibéralisme économique, qui impose au sud du monde un pragmatisme politique qui dévaste le continent et accentue les inégalités.

Eduardo Galeano avait été un proche du leader socialiste chilien Salvador Allende, élu Président du Chili en 1970 et déposé en 1973 par le sanglant putsch militaire de Pinochet. Il était aussi l’ami personnel d’Hugo Chávez, le leader vénézuélien mort en 2013, d’Evo Morales, Président de la Bolivie, et de Rafael Correa, Président de l’Equateur. 


vendredi 10 avril 2015

Chili : visée par des scandales de corruption, Bachelet défend sa présidence

Michelle Bachelet, la présidente du Chili dans l'embarras face
aux accusations de trafic d’influence et prise illégale d’intérêt
contre son fils Sebastian et son épouse. En contradiction avec
son engagement électoral de combattre l’inégalité, l’avidité et
l’usage de privilèges à des fins personnelles, Mme Bachelet
affirme avoir tout ignoré du prêt fautif. Photo Johan Ordóñez,
Guatemala City, 30 janvier 2015
La présidente du Chili, Michelle Bachelet, est montée au créneau mercredi 8 avril pour défendre sa présidence après un scandale financier visant son fils, une affaire qui a affecté sa crédibilité et suscité des rumeurs de démission.

« Au cas où quelqu'un aurait des doutes, je n'ai pas démissionné, et je ne le ferai pas, je ne sais même pas comment ce serait possible constitutionnellement », a affirmé la présidente lors d'une rare rencontre avec la presse étrangère. 

Sortant d'un long silence depuis le début de l'affaire il y a deux mois, elle a démenti les rumeurs qui se sont propagées ces derniers jours sur les réseaux sociaux après la crise politique provoquée par le scandale immobilier impliquant son fils aîné, Sebastián Davalos, 36 ans. 
« Peut-être ai-je commis l'erreur de garder le silence, parce que cela a pu donner une mauvaise impression », a reconnu la présidente socialiste dans une première explication sur l'affaire impliquant son fils et sa belle-fille.

M. Davalos fait actuellement l'objet d'une enquête pour « utilisation d'information privilégiée » et « trafic d'influence », après l'obtention d'un prêt immobilier de 10 millions de dollars auprès de la Banque du Chili en 2013, pendant la campagne électorale. Son épouse, Natalia Compagnon, a été précisément entendue sur cette affaire mercredi 8 avril par un juge de Rancagua, ville du sud où se trouvent les terrains au centre de la polémique.

« La vérité c'est que je n'ai aucun lien avec tout cela », a poursuivi la présidente socialiste, évoquant notamment l'entretien de son fils avec l'un des directeurs de la Banque du Chili, le magnat Andrónico Luksic, une des plus grosses fortunes du pays. « Je n'ai rien su de cette réunion, je ne l'ai pas demandée, je n'ai pas parlé avec Luksic », a insisté Mme Bachelet
La crise politique suscitée par cette affaire a freiné abruptement le rythme de l'ambitieux programme de réformes auquel elle s'est attelée depuis son investiture en mars 2014. 

Dans un pays encore marqué par l'héritage de la dictature d'Augusto Pinochet, Mme Bachelet s'est notamment engagée dans les domaines de l'éducation, de la législation du travail, du système électoral, de la réforme de la Constitution, et de la fiscalité. 
Elle a également dû récemment affronter des catastrophes naturelles comme l'éruption du volcan Villarrica, des incendies de forêt dans le sud du pays ainsi que des inondations dévastatrices dans l'aride région d'Atacama, au nord. « Nous ne sommes paralysés par rien », a néanmoins assuré la présidente.

Natalia Compagnon et Sebastián Dávalos, la bru et le fils aîné de Michelle Bachelet. Des soupçons de prise illégale d’intérêt lors d’opérations immobilières qui ont rapporté au couple des énormes bénéfices, ont forcé le fils de la présidente a quitter en février dernier son poste officiel au palais du gouvernement.

À la crise ouverte par le scandale immobilier, s'ajoutent deux affaires de corruption sur plusieurs années avec fraude fiscale et possible financement illégal de campagne électorale de la droite affectant le groupe Penta, un des plus grands groupes financiers du Chili, et la compagnie chimique et minière chilienne Soquimich, dirigée par un ex-gendre de l'ancien dictateur Augusto Pinochet.

« Nous ne pouvons pas fermer les yeux, la corruption est parmi nous », a commenté sobrement mardi le Contrôleur général de la République, Ramiro Mendoza, alors que le Chili se targue d'être un des pays les plus transparents d'Amérique latine. « Il peut y avoir de la corruption au Chili, mais elle n'est pas généralisée. Tout le monde n'est pas corrompu dans notre pays », a affirmé pour sa part Mme Bachelet.

La crise a eu des répercussions directes sur sa popularité, qui a chuté à 30% d'opinions favorables, loin des 84% d'approbation à la fin de son premier mandat et des 54% au début du second.
« Les gens avaient déposé en Bachelet une confiance importante, à la différence de la classe politique traditionnelle. L'affaire du fils la place au milieu de ce que la plupart des gens critiquent le plus dans la classe politique : l'abus de pouvoir et le trafic d'influence », indique à l'AFP l'analyste politique, Max Colodro.
« Je ne me soucie pas de mon niveau de popularitéce n'est pas ma priorité dans la vieCe qui me préoccupe c'est l'avenir du Chili »a réfuté la présidente.
Afp.