vendredi 26 octobre 2018

Ana González de Recabarren, symbole du combat pour les Disparus s’est éteint au Chili

Ana González de Recabarren, très durement frappée par la longue dictature militaire au Chili, avait consacré sa vie à trouver la vérité et maintenir la mémoire de ses proches. Devenue une icône des familles des disparus, son histoire a été traitée dans différents reportages, et une pièce de théâtre aborde sa vie intime et son combat pour la mémoire : « Ana ne peut pas pleurer ».
Ana González de Recabarren, un des symboles du combat pour la vérité sur les « disparus » au Chili, s’est éteinte vendredi 26 octobre à 93 ans à l’hôpital Saint-Joseph, à Santiago. Dirigeante historique de l’Association des familles des détenus disparus (Afdd), Ana González de Recabarren en était aussi l'une des fondatrices, avec Sola Sierra, Viviana Díaz, Mireya García et Clotario Blest.

Avec les visages de leurs proches épinglés à la
poitrine, les familles des victimes de la dictature
exigent depuis 40 ans des réponses sur le sort
des disparus.

Les 22 et 23 avril 1976 ont été arrêtés son mari, Manuel Recabarren, ses enfants Luis Emilio et Manuel Guillermo, et sa belle fille Nalvia Mena, qui se trouvait alors enceinte. Les 4 ont été conduits dans le centre de tortures de Villa Grimaldi et sont depuis disparus. Comme des milliers de chiliens, Ana González de Recabarren a perdu en moins de 24 heures une bonne partie de sa famille dans les griffes de la DINA, la police politique de la dictature, qui avait lancé au milieu des années 70 une vaste campagne d’extermination des militants de gauche et spécialement des communistes.

Ana González a transformé cette perte atroce et son deuil confisqué en plaidoyer inlassable, une exigence permanente de réponses pour les près de 3000 personnes tuées ou disparues au Chili sous la dictature de Pinochet. Peut-être l'un des visages les plus connus de l’Afdd, Ana González de Recabarren a symbolisé pendant presque 4 décennies le combat digne et risqué des familles des disparus, à la recherche d’une vérité qui leur a été cruellement niée et d’une justice qui a trop tardé.

Toujours en première ligne dans le long et douloureux combat contre le mensonge officiel, Ana González a participé aux grèves de la faim, des sit-in de rue et diverses actions de protestation durant la dictature. Elle a harcelé des juges pour les pousser à enquêter sur le sort des détenus disparus, et elle a aussi fait plusieurs voyages dans différents pays du monde pour introduire des requêtes et témoigner auprès des organismes internationaux, cherchant à faire pression sur la dictature afin qu’elle dise la vérité sur ses prisonniers occultés du Chili.
Ana González de Recabarren
Avec d'autres proches des détenus disparus, lors des manifestations innombrables violemment dissoutes par la police de Pinochet elle a aussi été détenue et brutalisée, mais elle n'a jamais été intimidée et avec un courage étonnant, une fois relâchée elle a continué à organiser des protestations, des grèves de la faim dans les églises ou des ambassades, devant le siège de la Croix-Rouge et les Nations unies. Il y a quelque temps, déjà très affaiblie para la maladie, elle était arrivée en chaise roulante au tribunal pour soutenir les familles des « égorgés » dans leur quête permanente de justice.


Ana González de Recabarren —entre le député démo chrétien Andrés Aylwin, un des avocats des victimes de la dictature et Isabel Allende, alors présidente du Sénat— pendant un hommage aux défenseurs des droits de l’homme au Chili, le 9 septembre 2013.

Sans le combat courageux et opiniâtre d’Ana González de Recabarren, devenu emblématique, probablement plus de personnes seraient disparues au Chili, et l'intérêt du pays pour cette réalité horrible serait actuellement très réduit. Les victimes de la barbarie, leurs familles, camarades et proches, témoignent aujourd’hui de l’immense gratitude de tout un peuple avec Ana González de Recabarren. Son combat juste et indispensable, son courage inaltérable et sa dignité sans faille, font d’elle un exemple rare et simple des valeurs humanistes qui ont été les siens.