lundi 21 septembre 2015

Víctor Jara, tué il y a 42 ans, toujours vivant dans son œuvre et la mémoire


Enseignant, comédien, chanteur talentueux et militant de gauche charismatique,
Víctor Jara incarnait tout ce que la contre révolution de la Droite chilienne a
cherché à anéantir par le sanglant coup d’État du 11 septembre 1973.
Víctor Jara, le jeune chanteur et folkloriste chilien assassiné le 14 septembre 1973, fait sans doute partie des disparus les plus célèbres des derniers décennies, et son œuvre, son image et le rayonnement de sa création n’ont cessé de grandir et se répandre depuis sa mort tragique à Santiago.

Víctor a été arrêté le 12 septembre 1973, au lendemain du coup d’État, lorsque les militaires ont violemment investi son lieu de travail, l'Université Technique de l'État. Il a été emmené avec d'autres détenus jusqu'au stade « Chili », converti par les putschistes en camp de concentration.

Dans ce site il a été interrogé, sauvagement frappé et torturé par les soldats pendant des jours, et le 16 septembre son corps a été trouvé au sud de Santiago, avec 5 autres victimes jetées aux environs du cimetière métropolitain par la soldatesque. Le cadavre de Víctor Jara avait 44 impactes de balle, et d’évidentes marques de coups et supplices.

Comédien et directeur de théâtre, folkloriste et musicien, enseignant à l’Université technique, Víctor Jara avait trouvé dans la création musicale un efficace instrument de diffusion des changements politiques en cours au Chili en 1973.

Plaque commémorative de Víctor Jara
à Santa Lucía de Trajana, Espagne.

Piscine publique Víctor Jara, à la ville
de Reze, au Pays de Loire, France.






Situation de la planète « 2644 Víctor Jara », entre
Mars et Jupiter le 11 septembre 2015. Photo Nasa.




Víctor Jara Lane, ruelle au sud de Davenport Road, entre
l'avenue Ossington et la rue Shaw à Toronto, Canada.







La crique Víctor Jara dans la
Patagonie australe du Chili.


Voilier - école pour les jeunes en Allemagne,
baptisé Víctor Jara en 1989. Photo F. Madic.



La fureur et la cruauté des tueurs, les tourments et mutilations qu’ils lui ont infligés ont montré clairement qu’ils ont voulu faire taire surtout son chant et sa musique, forts et populaires instruments de transformation de la société, mais aussi détruire avec lui ce qu’il représentait, son engagement dans le processus démocratique de changement social.


L'histoire secrète de son martyre a été répandue oralement en pleine dictature militaire, et malgré la reconnaissance internationale de sa figure d’artiste et les hommages innombrables suite à son assassinat, obtenir justice a été pour ses proches un travail lourd et douloureux.
Face à la volonté de l’armée de cacher toute information et le refus de la dictature de reconnaître le crime, il a fallu reconstituer les dernières heures du chanteur par des témoignages de beaucoup de personnes.

Datée du 27 mars 1974, la version officielle de la dictature —émise par le Ministère des Affaires étrangères en réponse à une requête de la Commission Inter américaine de Droits de l'homme de l'O.E.A. —, signale : « Víctor Jara : Décédé. Mort par l'action des francs - tireurs qui, je répète, tiraient sans distinction contre les Forces Armées et contre la population civile ».

Un très long chemin judiciaire s'est succédé depuis lors, et les parties civiles ont dû franchir les nombreux obstacles mis par les militaires pour empêcher que la vérité soit connue. 

L'armée a occulté systématiquement les noms des officiers en charge des prisonniers du stade « Chili », et n'a jamais livré au tribunal l'identité du chef du site. Un des commandants en chef de l'armée, Juan Emilio Cheyre, a refusé de donner les noms des officiers impliqués au prétexte « qu'ils n'avaient pas de registre » du personnel de l’époque.

Sur les déclarations des témoins et quelques confrontations, on a pu identifier le commandant du stade « Chili » en septembre 1973, le colonel à la retraite Mario Manríquez Bravo. Très récemment, en juillet 2015 et suite aux longues enquêtes du juge spécial —qui déjà en 2012 avait inculpé quelques militaires—, des charges ont été dictées contre 10 officiers de l'armée à la retraite, pour leur responsabilité dans les délits de séquestration et les meurtres du chanteur Víctor Jara et du directeur de la Gendarmerie Litre Quiroga Carvajal.

Aujourd’hui la plupart de ses bourreaux purgent des peines de prison —quoique symboliqueset l’ancien camp de concentration du stade « Chili » a été rebaptisé stade « Víctor Jara ». Depuis 40 ans son nom a transcendé toutes les frontières et un peu partout dans le monde, des stades, des centres culturels, des rues et des parcs portent le nom du chanteur assassiné.

Un nouvel astéroïde de notre système solaire —une planète mineure—, découverte le 22 septembre 1973 entre Mars et Jupiter par l'astrophysicien soviétique Nikolai Stepanovich s'appelle « 2644 Víctor Jara ».

En sa mémoire, des plaques commémoratives ont été installées dans plusieurs lieux publics du monde, et des monuments honorent aussi son image. Un voilier école allemand à l’usage des jeunes porte depuis 1989 le nom de Víctor Jara.


Monument à Víctor Jara à la Müggelschlößchen
-Grundschule,rue Alfred-Rand, quartier Köpenick,
Berlin, Allemagne.








Une crique dans la région de la Patagonie australe du Chili a été baptisée aussi du nom du chanteur.

Ces hommages multiples et unanimes des témoignages durablement inscrits au patrimoine local dans plusieurs latitudes, signalent sans doute l’actualité de Víctor Jara et la portée universelle de son image. Ils marquent aussi l’immense échec historique des putschistes et des meurtriers, qui n'ont pas réussi par la barbarie à tuer la voix de l’artiste. Son chant brave et libre a pris racine dans des générations d’hommes et femmes et continue à retentir de par le monde.